Logo Météo Lyon, météo expertisée et gratuite

Quelle conséquence d'une réduction de la banquise sur la rigueur des hivers en France ?

La réduction de la banquise au Pôle Nord a de multiples conséquences à échelle locale mais aussi globale. Quels sont les répercussions possibles sur la France et ses hivers ?

 

Banquise en recul et Arctique en surchauffe

Le recul de la banquise polaire a une première conséquence directe : un recul de l'effet albédo. On parle ici de réflexion du rayonnement solaire. En effet, les surfaces blanches sont les plus réfléchissantes. En l'occurrence, la banquise réfléchit 50 à 70% de la lumière solaire, qui n'est donc pas absorbée par le sol et ne provoque pas de réchauffement. À l'inverse, la surface de l'océan ne réfléchit que 6% de la lumière solaire. L'eau liquide absorbe donc près de 10 fois plus d'énergie lumineuse que la glace. Si la banquise fond, le recul de l'effet albédo provoque donc un réchauffement bien plus rapide.

Le rôle clé de l'effet albédo - en recul - en Arctique - AFP

 

 

C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le Pôle Nord se réchauffe bien plus vite que le reste du monde. Avec une banquise en recul au fil des décennies, l'augmentation de la température moyenne des régions arctiques est environ 4 fois plus rapide que dans la reste de la planète ! Depuis 1979, la température moyenne en Arctique a augmenté de 4 à 7 degrés ! Un tel réchauffement est spectaculaire. Dans l'ouest de l'Europe, l'augmentation sur la même période est de l'ordre de +1 à +2°C.

Augmentation de la température moyenne depuis 1979 aux hautes latitudes polaires - AFP

 

 

Les conséquences sur les hivers français

Un réchauffement du pôle induit également un océan plus chaud. Ainsi, la température moyenne de l'Atlantique, qui borde notre pays, devrait augmenter. Comme notre climat est majoritairement régi par le flux d'ouest, un océan plus doux rimera donc avec une douceur plus importante lors de la saison hivernale. En moyenne, cela signifie donc des hivers de plus en plus doux avec un déclin du nombre de jours de gel au fil des décennies.

Évolution du nombre de jours de gel en France d'ici 2100 selon un réchauffement de +2°C, +2,7°C ou +4°C - Météo France

 

 

Malgré tout, cela ne signifie pas pour autant une disparition de nos hivers. En effet, le réchauffement important du pôle tend à réduire le contraste thermique entre l'Arctique et les latitudes tempérées. Cela a pour effet de ralentir le courant jet et de le faire onduler davantage. Or, des ondulations plus importantes du courant jet favorisent des flux méridiens, pouvant aboutir à des vagues de douceur en cas de flux de sud mais aussi à des descentes d'air froid polaire en cas de flux de nord. Même si se radouciraient en moyenne, nos hivers resteraient donc ponctués de coups de froid.

La fonte des glaces polaires tend à faire onduler le jet stream, pouvant aboutir à des pics de douceur et de froid - NOAA

 

 

L'incertitude sur l'effondrement de l'AMOC

L'AMOC fait référence à la MOC "Meridional Overturning Circulation" de l'Atlantique, que nous pouvons traduire par "Circulation méridienne de retournement Atlantique". La partie qui nous intéresse se trouve dans l'Atlantique Nord : le Gulf Stream remonte l'Atlantique et transfert sa chaleur à l'Europe. De l'autre côté, le froid présent dans cette zone refroidit le Gulf Stream dont les eaux de surface finissent par plonger (notamment au long de la côte du Groenland) et repartir vers les tropiques (courant froid et salé). On parle de circulation thermohaline.

Schéma simplifié de la circulation thermohaline sur Terre - via Science & Avenir

 

 

L'incertitude réside dans les conséquences de l'apport massif d'eau douce sur le nord de l'Atlantique, en cas de fonte de la banquise. Comme l'eau douce est moins dense que l'eau salée, celle-ci va rester majoritairement en surface sur le nord de l'Atlantique, ce qui vient perturber le Gulf Stream et le repousse plus au sud. Ainsi, son effet réchauffant sur le nord de l'océan et sur l'Europe s'en trouverait considérablement affaibli. Selon certaines modélisations, la température moyenne pourrait chuter de plusieurs degrés sur l'Atlantique-nord et le climat de l'ouest de l'Europe pourrait se refroidir.

Modélisation de l'évolution de la température moyenne d'ici 2100 - via Sciences & Avenir

 

L'effondrement de l'AMOC fait débat. La plus récente étude sur le sujet indique que l'effondrement de l'AMOC se produirait entre 2050 et 2130, ce qui laisse une marge d'erreur conséquente. De plus, les scientifiques sont en désaccord sur l'ampleur de la modification de l'AMOC : entre un ralentissement modéré et un arrêt total, il existe un vaste panel de scénarios très différents les uns des autres. Si certains estiment qu'il y a un risque réel de refroidissement du climat européen, d'autres jugent que l'affaiblissement de l'AMOC sera largement compensé par les effets du réchauffement.

 

Auteur : Alexandre Slowik

Photo de Guillaume SECHETHistoire du site Météo Lyon